Comment mieux prévenir le suicide ?

Feb 13, 2018 par

Malgré un recul du taux de suicide de 26% depuis une dizaine d’années, la France reste l’un des pays européens le plus touché avec 24 décès par jour. Pour renforcer la prévention du suicide, les autorités compétentes doivent davantage surveiller les patients hospitalisés pour tentative de suicide et rester vigilantes face au numérique qui expose les jeunes les plus vulnérables. Aperçu de quelques résolutions consignées dans le rapport de février 2018 de l’Observatoire National du Suicide.

groupe de discussion au sujet de la prévention du suicide

Réduire les récidives grâce à un suivi personnalisé

En 2015, plus de 78 000 personnes ont été hospitalisées suite à une tentative de suicide. On note une disparité chez ces suicidants : les femmes tentent deux fois plus de mettre un terme à leur vie comparativement aux hommes. Chez les sujets féminins, on observe un pic de tentatives vers 15-19 ans (39 pour 10 000) puis un second juste avant la cinquantaine.

Chez les hommes, les hospitalisations pour tentative de suicide augmentent progressivement jusqu’à 44 ans (20 pour 10 000) puis diminuent jusqu’à la fin de vie.

À l’inverse, le suicide concerne trois fois plus les hommes que les femmes.

Lors du congrès de psychiatrie, Encéphale, tenu du 24 au 26 janvier 2018 à Paris, le ministre des Solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, a exprimé sa volonté de généraliser à l’ensemble du territoire français, le dispositif VigilanS.

Actuellement testé dans le Nord (l’une des régions les plus touchées par les tentatives de suicides), ce système permet de rester en contact avec les patients ayant été hospitalisés pour une tentative de suicide et de lutter contre les récidives.

Ce dispositif se décline en 3 phases :

  • Phase 1 : À sa sortie, le patient hospitalisé pour tentative de suicide reçoit, sur une carte ressource, le numéro de téléphone vert de VigilanS à contacter en cas de besoin. Son médecin traitant et son psychiatre sont informés par l’équipe de VigilanS que son patient est intégré dans un dispositif de veille.
  • Phase 2 : Entre 10 à 20 jours après l’hospitalisation, les Vigilanseurs se mettent en contact téléphonique avec le patient qui a fait déjà plusieurs tentatives de suicide. Un compte rendu est envoyé aux soignants encadrant le patient. Les « primosuicidants » ne sont pas appelés pendant cette période mais ils peuvent toujours solliciter le numéro vert en cas de besoin.
  • Phase 3 : Tous les sujets inscrits dans le programme ont appelés pour une évaluation dite de « 6 mois ». Les situations cliniques sont évaluées avec soin et la veille est soit reconduite, soit abandonnée car jugée désormais inutile.

Le numérique : menace ou opportunité ?

Selon l’Observatoire National du Suicide, les réseaux sociaux, et le net en général, constituent un nouveau canal pour propager une forme de « contagion suicidaire »

Chez les plus jeunes, le mésusage de ces outils numériques favorise :

  • L’apparition de troubles du sommeil
  • La diminution de l’activité physique
  • La surexposition aux médias

Pris dans leur ensemble, ces comportements accentueraient les risques de développer des symptômes dépressifs et des idées suicidaires.

Pour aller plus loin, les experts indiquent que ces technologies du numérique creusent les inégalités face au risque de suicide dans cette génération « millénium », née autour des années 2000.

Ainsi, les outils numériques seraient un atout pour les adolescents bien encadrés d’un point de vue familial et scolaire mais seraient un désavantage pour les jeunes les plus vulnérables qui grandissent dans un environnement insécurisant.

D’un autre côté, le rapport souligne que le cyberharcèlement, tout comme le harcèlement, sont « des comportements connexes aux comportements suicidaires » et que « les effets du cyberharcèlement sont plus sévères que le harcèlement en raison de l’audience plus large recueillie sur le Web et les réseaux sociaux, et du fait que le harcèlement en ligne peut laisser des traces plus durables. »

Cependant, les auteurs précisent que « les outils numériques pourraient, par ailleurs, ouvrir la voie à de nouvelles stratégies de prévention du suicide des jeunes, en permettant d’aller à la rencontre des adolescents ».

Pour preuve : l’un des projets soutenus par l’Observatoire National du Suicide et mené par l’université de Rennes consiste en l’analyse linguistique et textuelle des webchats de l’association d’écoute SOS Amitié. Avec cette analyse, on espère mettre en place une méthodologie d’écoute plus attentive et plus proche des besoins de la personne qui demande de l’aide.

Une prévention du suicide plus précoce et plus adaptée

Selon les auteurs du rapport, il est nécessaire de poursuivre les efforts de recherche sur la caractérisation des conduites suicidaires et du passage à l’acte chez les jeunes.

De plus, compte tenu que les troubles de conduites apparaissent plus précocement, il est nécessaire de mettre en place davantage d’interventions en milieu scolaire.

Pour améliorer cette approche de prévention du suicide auprès d’un jeune public, les pistes évoquées sont :

  • L’amélioration de l’estime de soi et des compétences psychosociales.
  • Favoriser la perception des messages de prévention et une nouvelle forme de communication facilitant l’expression de la souffrance.
  • Prévenir le suicide par les outils numériques.

C’est dans ce sens qu’un projet de questionnaire est mis en place à la Réunion actuellement. Selon le rapport, ce « questionnaire court visant à repérer les adolescents à risque suicidaire qui entrent, pour tout motif, aux services d’urgence (…). Le questionnaire semble remplir son rôle, car il permet de repérer les jeunes qui ont besoin d’une évaluation psychiatrique complémentaire et éventuellement d’une prise en charge ».

Les autres stratégies évoquées dans ce rapport sont : l’amélioration des formations pour apprendre à repérer le risque suicidaire, l’information du public et enfin veiller au traitement médiatique du suicide.

Julie P., Journaliste scientifique

– Suicide : des connaissances à approfondir pour améliorer la prévention. A. Haroche. JIM Consulté le 12 février 2018.
– Enjeux éthiques de la prévention, singularités du suicide à l’adolescence. 3eme rapport- Février 2018. Observatoire National du suicide. Consulté le 12 février 2018.
Julie P.
Journaliste scientifique.
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