Suicide sur internet : un effet d’entraînement

Mar 16, 2017 par

À l’heure du numérique et des réseaux sociaux, les adolescents sont exposés à toutes sortes d’images en accès libre. Des vidéos de jeunes se donnant la mort deviennent virales. Quel effet sur les adolescents ? Doit-on redouter une épidémie de suicides sur internet ? Et si oui, comment la prévenir ?

suicide effet entrainement

L’effet Werther à l’heure numérique

En 1774, l’écrivain allemand Goethe publie « Les souffrances du jeune Werther ». À la fin du roman, le jeune héros du livre, confronté à une peine de cœur, se donne la mort. Par effet d’imitation, le livre a précipité le suicide de dizaines de jeunes lecteurs après sa sortie.

Plus près de nous, le suicide de personnalités comme Dalida ou Kurt Cobain a également déclenché des passages à l’acte parmi les fans. Il est à noter qu’après le suicide de la chanteuse, ce sont plutôt des femmes d’âge mure qui se sont données la mort, alors que pour la rock star, il s’agissait d’adolescents ou de très jeunes adultes. Les sociologues le confirment : le suicide de personnes connues entraîne une recrudescence de cas dans la population, par un effet d’entraînement et d’identification, le fameux effet Werther.

L’identification à la personne suicidée est très importante. Par exemple, avoir un proche qui s’est donné la mort augmente le risque de suicide. Mais, la proximité qui se crée avec le jeune mettant en scène son suicide via les réseaux sociaux peut aboutir au même résultat. Le risque d’effet boule de neige est bien réel.

Les plateformes de vidéos en direct virales

Ces plateformes sont devenues très populaires chez les jeunes. Des adolescents y mettent en scène leur suicide en direct. Des internautes les relaient, les autorités sont démunies. Résultat : Certaines vidéos peuvent rester en ligne plusieurs semaines sur des sites comme YouTube ou Facebook. Ces plateformes n’ont pas vraiment intérêt à mettre bon ordre dans leurs affaires ; violence et sexe sont les deux piliers de la création d’audience… Les faits divers sordides fascinent et provoquent le clic.

À l’heure de l’hyperconnexion, ce phénomène semble en phase avec son époque. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois qu’Internet est ainsi accusé de propager des idées mortifères : de nombreux sites glorifiant des conduites déviantes comme l’anorexie ou l’auto-mutilation sont régulièrement pointés du doigt.

A savoir ! En 2009, des chercheurs américains ont entré les mots clefs « self-injury » (auto-mutilation) dans YouTube : les 50 premières vidéos avaient plus de 2 millions de vues et la plupart ne bénéficiait d’aucune restriction (comme l’âge par exemple) au visionnage.

Une prévention difficile

Internet est synonyme de liberté, pour le meilleur et pour le pire…

Mark Zuckerberg se serait alarmé de ces vidéos virales et envisagerait une réponse via l’intelligence artificielle. En attendant, il est possible de signaler des propos inquiétants au niveau de l’application via un bouton d’alerte, 24h sur 24.  Le message dépressif sera analysé par une équipe d’experts habilités à gérer cette situation. En cas de passage à l’acte imminent, on peut donner l’alerte auprès de la police.

Cependant, pour aboutir à cet effet d’entraînement, il faut aussi une médiatisation. Et les médias ont tendance à sur-couvrir les suicides sur internet aggravant le phénomène. Une prise de conscience des journalistes s’impose.

Les adolescents sont à une époque plus fragile de leur vie. Plus sensibles à la contagion des suicides sur internet, des campagnes de prévention devraient leur être destinées dans les collèges et lycées.

Mais internet n’est pas qu’un grand méchant loup. On y trouve aussi de nombreux site de prévention du suicide.

Isabelle V., Journaliste scientifique


Sources :
Social Media and Suicide: A Public Health Perspective. Luxton D. et al. Mai 2012. DOI : 10.2105/AJPOH.2011.300608
Suicide sur internet : une nouvelle épidémie ? Le panorama du médecin. 13-19 mars 2017.

Isabelle V.
Journaliste scientifique
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